par Octavio Alberola
4 décembre 2014
L’intérêt de lire l’Analyse de la Société du Bien-Être c’est - comme le
précise Luis Andrés Bredlow (professeur d’histoire de la philosophie à
l’Université de Barcelone) dans son prologue à la première édition en
français de ce livre édité par les Éditions Le Pas de côté - d’être
l’écrit d’Agustín García Calvo « qui se prête le mieux à une première
approche de cette "politique du peuple", qui est le contraire de la
politique des politiciens, des partis et des États (cette dernière ne
pouvant s’opposer au Capital et à l’Économie, étant mêlée à leurs
affaires au point de ne plus pouvoir s’en distinguer) ».
Cela serait déjà donc une bonne raison pour lire ce livre ; car, même s’il a été écrit en 1993, les dernières crises du capitalisme mondialisé n’ont fait que confirmer et renforcer l’actualité de son analyse sur la « Société du Bien-être » - cette « utopie » capitaliste, fondée sur le Développement continu, qui s’est révélée être aujourd’hui une vraie escroquerie et un terrible cauchemar pour les exploités et la majeure partie des humains. Non seulement parce qu’en plus d’accroître l’écart entre le monde sous-développé et le monde développé et aussi les inégalités - entre les possédants et les dépossédés - dans ces deux mondes, elle met en péril aussi l’avenir des générations actuelles et futures avec l’irrationnel gaspillage des ressources de la planète. Car, ce Développement sert de mirage et d’appât pour la Foi dans le Progrès capitaliste afin de nous faire croire aux mensonges (les Idées de Temps, de Futur, de Réalité) sur lesquels repose actuellement la domination et qui, avec la Foi en l’Argent, nous empêchent de réagir face à elle et à son action dévastatrice du monde. En ce sens, ce livre est un complément précieux aux deux livres (Contre la Paix, Contre la Démocratie et Qu’est-ce que l’État ?) que l’Atelier de Création Libertaire de Lyon a édités, au début des années 1990, afin de faire connaître en France la pensée d’Agustín García Calvo, l’un des penseurs ayant analysé la domination dans ses supports les plus profonds de l’être individuel et collectif.
Dans le prologue de Contre la Paix, Contre la Démocratie, j’avais avancé plusieurs raisons pour lire les textes d’Agustín García Calvo. Ces raisons me paraissent aujourd’hui encore plus pressantes qu’alors. Fondamentalement parce que, pour faire renaître le désir d’émancipation, je continue à penser qu’il est « absolument nécessaire de démonter les artifices dialectiques qui ont conduit à cette impasse et de mettre à nu - en même temps - les contradictions de notre discours et de notre pratique révolutionnaires ». Et parce qu’il faut développer une attitude de négation conséquente. C’est-à-dire : non pas en faveur des opprimés, mais ; comme le dit García Calvo - contre les oppresseurs. Donc, « contre le Pouvoir, contre les Idées, contre l’État, contre l’Argent, contre le Seigneur éternel, et par conséquent contre son actualité : contre le Futur, contre le Progrès, contre la Mort ». C’est pourquoi je crois que la lecture de La Société du Bien-Être [1] peut être utile pour approfondir la réflexion sur la poursuite du combat contre la domination sous toutes ses formes.